“ NO MAN IS AN ISLAND ENTIRE OF ITSELF”
EMST [ Musée d’Art moderne d’Athènes ]
- Acte 1 – Scène 1 .
Pour voir à ce spectacle au Musée d’Art Moderne d’Athènes, il fallait s’inscrire à l’avance par internet à un horaire précis parmi ceux proposés.
- Acte 2 – Scène 1
Le jour J est enfin arrivé. Une charmante dame m’a appelée au préalable pour confirmation inscription, en me précisant où se situerait l’entrée et l'heure précise à laquelle je devais m’y rendre, soit 10 minutes avant l’heure du spectacle, munie d’un masque.
- Acte 3 – Scène 1
Me voilà rendue au lieu, à l’heure dite. Nous sommes à peine une dizaine de spectateurs Un monsieur relève nos noms pour vérifier si nous sommes sur la liste des réservations et prend notre température avec un appareil spécial. Pour moi, il s’y reprend à 3 fois parce que j’ai chaud [il fait 30 degrés] , que je ressors du métro et que j’ai marché. Tout va bien. Je suis autorisée à rentrer. Ouf !
- Acte 3 – Scène 2
Une personne vient chercher notre groupe masqué et nous traversons d' immenses galeries désertes jusqu’à la cafeteria, vide elle aussi. On nous invite à nous asseoir, chacun à une table. Décor immaculé. Silence bétonné.
- Acte 3 – Scène 3
On vient nous prévenir de prendre l’escalator et de nous rendre dans les sous-sols du musée. Nous suivons notre guide.
- Acte 3 – Scène 4
On nous demande de patienter de nouveau, à bonne distance les uns des autres. On nous distribue des casques-audio.
- Acte 4 – Scène 1
Une femme vêtue de noir, pieds nus, nous envoie des signes derrière une vitre. Les portes s’ouvrent, en silence, elle nous indique par gestes de la suivre, puis de nous arrêter, puis de la suivre à nouveau.Nous nous exécutons, public discret au visage dissimulé, les oreilles saturées de son. On suit, on s’arrête, on s’assied là où on nous le demande, sur des places soigneusement marquées.
- Acte 4 - Scène 2
Une danseuse évolue. Musique électro-acoustique. Gestes saccadés. Vidéos en miroir: même danseuse, même scène. Seul le décor change. Celuidu film est la bibliothèque personnelle de la danseuses. Images datant du confinement.Une autre danse en haut d’un escalier. On se tord le cou pour la voir. Elle est au bord des marches, en aplomb. Un comédien lui scande des mots qu’elle semble ne pas comprendre.
- Acte 4 - Scène 3
Un jeune homme avec son camescope filme différentes parties de son corps dont les images sont projetées sur grand écran, monstrueusement agrandies. Un poing, une main, l’épiderme, le nombril. Images terrifiantes du repli sur soi. Narcissisme moderne. Nombril distordu, horrible.
- Acte 4- Scène 3
Les personnages se réunissent autour d’un globe de lumière. Espoir d'un monde éclairé ?... Un ours passe.
- Acte 5 – Scène 1
Après quelques applaudissements chaleureux, nous reprenons l’escalator et repartons à travers les couloirs déserts jusqu’à la sortie. Dehors, le prochain groupe de spectateurs attend patiemment l’autorisation de pouvoir rentrer après les précautions d'usage. Vérifications, masque, prise de température.
Ce spectacle, écrit pendant le confinement, par 5 personnes différentes et dans 5 lieux différents, nous interpelle sur notre facilité à accepter certaines injonctions lorsque la peur s'installe. Il en ressort que le repli sur soi, le rétrecissement des espaces autorisés et la solitude peuvent nous faire oublier jusqu'au langage ainsi que notre capacité à communiquer avec autrui. Nous pouvons devenir uniquement des ours repliés dans nos tanières. Rien que des ours cruels et solitaires.